Moi je m’appelle Tim.

C’est la même chose que mon vrai nom Timéo, mais en raccourci.

Les adultes ils z’ont jamais trop de temps, alors ils coupent des syllabes un peu partout où ça les arrange, pour gagner de la place pour mettre des mots plus importants.

Pour ma petite sœur, mes parents ils ont bien réfléchi avant.

Ils l’ont appelé Lou, un vrai prénom TGV qu’on n’a même pas besoin de couper.

Lou, ça m’a fait un peu peur au début à cause du petit chaperon rouge, des trois petits cochons et des sept chevreaux.

Mais dès qu’elle est née, j’ai vu dans ses yeux comme des étoiles de douceur qui ressemblaient à des bulles de savon qui pétillent.

J’ai compris qu’elle était remplie de ça des pieds à la tête.

Les yeux, ça raconte tout sur l’intérieur des gens. Il suffit de bien regarder dedans.

Quand madame Chollet me demande « veux-tu baisser les yeux Timéo quand je te parle !? », je me dis que vraiment, quelle chance : elle saura rien du tout de ce qui se passe dans ma tête.

Ouf.

Je sais pas si je dois écrire tout ça ici.

Louisa, elle m’a proposé d’écrire mes pensées.

Louisa elle dit jamais des choses qu’on est obligé de faire, elle commence toutes ses phrases par « ce que je te propose… ».

Ça veut dire qu’on peut tout refuser.

Mais quand elle m’a tendu ce beau carnet flambant l’œuf avec une couverture qui change d’image quand on l’incline dans tous les sens qu’on veut, je me suis dit que ce serait une bonne idée qui pourrait l’aider d’écrire mes pensées.

En réalité, j’écris pas toutes mes pensées en entier, ça va trop vite dans ma tête et quand j’écris ça fait tout un embouteillage après.

Parce que je suis obligé de stopper mes pensées comme un policier avec un gros coup de sifflet.

Et quand je referme le carnet, elles sont toutes à la queue leuleu à attendre le feu vert pour fuser !

Louisa elle m’a proposé d’écrire pour savoir ce qui se passe dans ma tête de pas vouloir devenir grand.

C’est mes parents qui ont dit qu’on devait aller la voir pour lui parler.

C’est à cause du jour où j’ai décoré le grand mur de la chambre de Lou avec un magnifique arc-en-ciel qui fait des bulles de savon, que j’ai peint à la main avec beaucoup de soin et de couleur.

Papa et maman ils étaient désolés avec leurs têtes entre les mains en disant que je devais grandir, que c’était pas possible de faire des bêtises pareilles à mon âge de 6 ans et demi, que bientôt y’a l’âge de raison qui m’attend, qu’il fallait que je donne le bon exemple de grand-frère et tout le couplet…

J’ai pleuré toute la tristesse de mon cœur dans de grands sanglots qui font du bruit, avec de la morve qui coule partout, j’arrivais plus à m’arrêter.

Pour de vrai.

J’étais vraiment triste qu’ils ne comprennent rien à l’art de mon dessin et à toute la joie qu’il y avait dedans.

Cet arc en ciel, c’était un hommage aux étoiles dans les yeux de Lou.

Elle, elle avait compris. Ça se voyait dans son grand sourire qui lui relevait les joues et rendait ses yeux étirés somme ceux de May.

Les adultes ils ont beaucoup de mal à comprendre les choses importantes de la vie.

C’est un peu pour ça que moi  l’âge de raison, ça me dit pas grand chose d’y aller.